Communication faite par Mr Albert NAVOLY à l'occasion des voeux pour l'an 2000
Le siècle précèdent avait démarré avec un nouveau village, au hameau des GIRARDS, où nous sommes aujourd'hui; la population était petit à petit descendu du vieux village en s'accrochant d'abord dans les coteaux, dans des bâtisses importantes, telles celles de COSTE-SEULE, du FANGEAS, des BESSONS, du CHATEAU de CHEVRIERE, de LAMBERTON, de GAUDISSARD, ancienne fabrique de draps, et d'autres encore. En effet, dans la plaine si fertile et si bien travaillée aujourd'hui, existait alors dans les bas-fonds, des marécages dont certains subsistèrent jusqu'à la guerre 39-45.
Au début du siècle le vieux village ne comptait plus que 4 ou 5 habitants, pour la plupart d'une même famille, le dernier Félicien MOUTON dit le "Pate" fut retrouvé mort sur le bat-flanc de pierre le 4 septembre 1917, il était âgé de 73 ans.
Pour faciliter l'installation des habitants descendus du vieux village, une église dédiée à St LAMBERT, tel que l'atteste le vitrail du cimetière actuel autour de la chapelle St MICHEL, construite au 16 éme siècle, fut rendu nécessaire à cause de la saturation de celui situé à coté de N.D. de PUGET au sud du FANGEAS, il venait tout juste d'être achevé en 1896; il ne manquait plus qu'une chose à Roynac: L'école. Ce sera la 1ére réalisation importante du siècle puisqu'elle fut édifiée dés 1903.
A cette époque la vie était essentiellement rurale constituée de paysans, d'artisans et de leur employés, seuls 2 fonctionnaires; les instituteurs faisaient exception; le village comptait 3 cafés FAURE, GARINO CELLIER, 1 maréchal-ferrand BERANGER), 1 cordonnier (DELOULE), 1 menuisier (DAVIN) fabricant entre autres les cercueils Hélas; 1 couturière avec 2 employées (GAUTHIER) 2 entreprises de battages (BARON et MOUTON), 1 pompe à ESSENCE (MOUTON) 1 épicerie -tabac (FAURE) 1 bouilleur de cru avec l'alambic (Désiré JEUNE), 1 coiffeur (DORIER), 1 scieur de grumes - bois de service (MOUTON)
Les travaux agricoles étaient tous effectués par traction animale, des boeufs, des chevaux, des mules, il y avait déjà des fermes importantes tel le château, là on avait choisi les attelages de boeufs jusqu'à 6 paires, alors qu'à côté à GRANGEVIELLE on avait préféré une quinzaine de mules.
On fauchait à la faux, le fourrage, mais aussi le blé, il fallut attendre 1919 pour voir apparaître les premières lieuses. Pour battre le blé on avait recours à un rouleau en pierre, transsonique afin qu'il tourne plus facilement en rond, tiré sur l'aire par un cheval, il en existe encore quelques spécimens autour des maisons... pour le décor !
Les cultures étaient peut diversifiées, des céréales, des prairies des vignes pour la consommation familiale, des pommes de terre et quelques légumes, et jusqu'aux années 60 quelques dizaines d'hectares de betteraves sucrières pour l'industrie, enfin des cochons qui avec les volailles constituaient alors la seule viande consommée dans les fermes.
En ce début de siècle on ne peut pas parler d'agriculture sans évoquer une culture bien particulière qui pendant des décennies fit le bonheur des paysans: l'élevage des vers à soie. Le sol profond et humide de notre plaine convenait tout à fait à la plantation des mûriers, on en compta jusqu'à prés de 2000 dans les années 1910-1914, il en reste aujourd'hui moins de 50; dans chaque ferme on avait aménagé de vastes greniers, avec des cheminées rudimentaires dans les angles, on appela ces locaux: Magnanerie, mot venant du patois "MAGNIAU" c'est à dire vers à soie.
Les oeufs, appelés graines étaient vendus au poids, évalués en onces, une once valant 30 grammes et des poussières; pour éclore les oeufs devaient être maintenus à une température d'environ 30° légèrement humide, on les plaçait sous le foyer de la cheminée entourés de chiffons, on attachait beaucoup d'importance à l'éclosion des vers à soie, et pour être sur que la température serait adéquate, les femmes n'hésitaient pas à placer les graines dans des petits sac ajourés qu'elles portaient sur leur poitrine; c'était une récolte qui venait vite, 5 à 6 semaines, qui n'engageait que peu de frais, tout en apportant un complément de revenus important.
Une autre culture, particulière à Roynac était celle de la production de graines de luzerne, cette culture très capricieuse exigeait un bon terrain, un ensoleillement important et l'absence de rosée, avec le Mistral à Roynac ces 3 conditions étaient réunies en 1950 il y avait deux entreprises de battage, Bon an, mal an, elles battaient 500 quintaux chacune, les agriculteurs des communes environnantes, un peu jaloux disaient " A Roynac vous avez de la chance vous faites "grainer"! C'était une vrai richesse, mais les graines n'avaient-elle pas la couleur de l'or ?
La motorisation de l'agriculture se réalisa soudainement dans les années 50, avant 1939 on dénombrait moins de cinq tracteurs, dont deux étaient exclusivement utilisés pour les travaux de battage, il s'agissait de tracteurs à pétrole avec des roues en fer et des crampons de 15 cm de haut, un siège en fer, sans ressort, si on avait placé sur le siège un petit sac rempli de noix et qu'on fasse le trajet de Roynac à Cléon il y a fort à parier que l'huile aurait coulé en cours de route; c'est à partir de 1955 que les tracteurs à pneus arrivèrent sur le marché et en moins de 10 ans toutes les exploitations s'étaient équipées, ainsi en une décennie l'on passa d'une agriculture moyenâgeuse à une agriculture moderne et performante, on sait aujourd'hui que ce n'était que le départ d'une mutation sans fin qui allait accélérer l'exode rural.
Nous sommes en 1935